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BG de Atlas

Publié : lun. juil. 21, 2025 7:16 pm
par Melusine
Le vent soulevait la poussière rouge des pierres brûlantes. En contrebas des hautes falaises de granite, là où les forêts tropicales s’épanouissent dans une moiteur sauvage, une silhouette bondissait de branche en branche, vive comme un éclair, invisible aux yeux de l’homme.

Cette silhouette, c’était moi. Atlas. Le dernier fils de ma tribu. Le dernier Roi-Singe.

Mon peuple ne vivait ni dans les villes ni dans les temples. Il n’était écrit dans aucun parchemin. Il ne subsistait dans aucune légende chantée par les bardes des cités. Pourtant, nous existions. Perchés au sommet du monde, là où les nuages s’accrochent aux cimes et où les cieux ne répondent qu’à ceux qui savent leur parler. Nous étions les Rois-Singes, gardiens d’un savoir ancien, héritiers d’une agilité divine, d’une force que l’homme ne comprenait pas. Nous vivions en paix, cachés, libres. Jusqu’au jour où le feu est tombé du ciel.

Ce ne fut ni un dieu, ni une bête. Juste les hommes. Les hommes et leur peur de ce qui leur échappe. Ils brûlèrent nos arbres, traquèrent nos enfants, firent de notre jungle un tombeau. Ma mère tomba la première, criant à la lune de me cacher. Mon père, le plus fort de notre lignée, combattit seul jusqu’au matin, tenant tête à une armée. Je ne vis que les cendres. Et l’odeur du sang. Le sang des miens.

Je suis né dans les branches, nourri par les fruits des hauteurs et les chants du vent. J’étais plus grand que les autres enfants de la forêt. Plus rapide. Plus fort. Je bondissais au-dessus des torrents, courais sur les bambous flexibles, et ma queue, longue et puissante, m’équilibrait comme un funambule céleste. C’était elle, ma force cachée. Ma nature sauvage. Mon héritage. Mais après le massacre, je n’étais plus qu’un hurlement solitaire. Un cri que personne n’entendait.

J’ai erré. Longtemps. Trop longtemps peut-être. Jusqu’à ce qu’un vieillard borgne me recueille au bord d’une rivière sacrée, dans un désert d’os et de silence. Il ne me parla jamais de lui. Jamais de son nom. Il disait seulement...

Le vieillard :
- Les dieux ont oublié ton nom, enfant-singe. Alors tu devras leur en rappeler l’écho.

Ce fut lui, mon maître. Il ne cherchait pas à m’humaniser. Il voulait que je devienne plus que ce que j’étais. Chaque matin, il m’enseignait des gestes. Pas comme les autres. Pas comme les hommes. Des postures inspirées des bêtes, des frappes qui tordaient l’air lui-même, des mouvements fluides et sauvages, nés dans l'imitation du monde naturel. Ce n’était pas un art martial humain. C’était une danse. Une chasse. Une prière. Un instinct. Un héritage de ma tribu oublié.

Il m’apprit à respirer dans le silence. À écouter le tremblement de la terre. À frapper sans haine, mais avec justesse. Je ne possédais aucune armure, aucun pouvoir éclatant. Mais mes mains fendaient la pierre. Mon corps filait comme le vent. Mon cœur... lui, brûlait d’une colère ancienne, contenue derrière le calme du regard. Chaque nuit, je gravais les noms de mes ancêtres dans ma mémoire. Chaque aurore, je me relevais avec une seule idée : leur faire justice.

Mais il ne me suffisait plus de survivre. Je ne voulais plus seulement être l’ombre d’un monde disparu. Une nuit, alors que les étoiles tournaient lentement autour de la cime d’un arbre sacré, j’ai ressenti un frisson profond. Quelque chose... une chaleur qui ne venait pas du feu. Une présence. Pas un dieu. Pas un visage. Mais une force. Une harmonie. Une lumière douce, ancienne, féminine. Elle n’avait pas de nom dans ma langue. Mais elle parlait aux battements de mon cœur.

Moi :
- Je ne veux plus fuir. Je veux protéger. Plus aucun enfant ne doit voir brûler sa forêt. Plus aucune tribu ne doit être effacée. S’il existe une voie pour cela... alors je la suivrai.

Et mon maître me regarda. Il ne dit rien. Mais son unique œil sembla luire dans la nuit.

Le vieillard :
- Alors va, Atlas. Gravie la Voie Sacrée. Le reste ne t’appartient plus.

Je suis parti à l’aube. Un bâton en bois noir en travers de l’épaule, la mémoire des miens dans la poitrine, et cette queue qui dansait au vent comme un étendard oublié. Je marchai sans me retourner, quittant les hautes jungles de l’Est pour les terres d’Occident. Là où les temples se dressent. Là où le silence murmure encore le nom d’une déesse disparue.

Je suis Atlas. Le dernier fils des Rois-Singes. Je n’ai ni titre, ni gloire, ni armure. Mais mes pas suivent la Voie Sacrée, et dans mes veines chante encore l’appel du ciel