[BG] Myrina
Publié : dim. nov. 10, 2019 10:13 am
Ma mère m’a dit de prendre ma lance et ma hache, en sus du bouclier, de l’arc et du carquois que je porte déjà dans le dos. Elle m’a collé dans les bras une besace de cuir remplie de nourriture sèche, d’une couverture et de linge. Elle n’a pas pleuré ; pas son genre, à ma mère.
Elle ouvre la porte de la maison commune. Un rayon de soleil rasant pénètre à l’intérieur ; Apollon commence tout juste à déployer l’éclat de sa gloire sur la lagune embrumée. Bientôt, il percera de ses feux cette nappe cotonneuse et réveillera la vie de ce coin de Mer Noire qui est le nôtre. Mais je ne le verrai pas. Je serai loin déjà.
Je me tourne vers ma mère qui se tient droite sur le seuil de la maison. Elle est petite, mais tout en muscles longs et frémissants — une vraie Amazone, quoiqu’elle ne soit pas née parmi les antianeirai. Moi, si. Elle m’a donné naissance il y a treize ans et quelques lunes de cela, ici même. De quel géniteur, je n’en sais rien. Peu importe à quel mâle appartiennent les semences, par ici.
Dans l’ombre de la maison, je devine les corps de mes tantes, de mes sœurs, des anciennes qui s’étirent. J’aurais pu vieillir ici si j’avais eu meilleur caractère. Si j’avais été plus docile, si j’avais obéi à la loi. Comme c’est étrange ! On me punit d’avoir été rebelle, moi, une Amazone. Je ne le regrette pas. Tant pis pour elles ! Je vais juste pleurer de ne plus voir Nikolís.
« Tu trouveras un toit et une protection à Troie. Présente-toi à Périphétès et dis-lui d’où tu viens. Il aura à cœur de veiller sur toi, je le sais.
— Je n’ai pas besoin qu’on veille sur moi », maugrée-je.
Et, par défi, je fais appel à mon cosmos. Mon cosmos tout neuf, peut-être encore immature, comme aiment à le dire les anciennes, mais déjà plein de vigueur. J’ai bien hérité de ma mère. Celle-ci cependant me rabroue en étouffant ma flamme dans l’ombre flamboyante de la sienne.
« Tu n’es pas prête, ma fille, réplique-t-elle. Mais les Troyens t’enseigneront. »
Elle a un geste vers Kalmia, ma jument, qui m’attend dans le marais. Elle va à sa guise en m’attendant, elle broute des lianes de houblon qui s’enroulent autour des chênes des marais. Je baisse la tête ; c’est un départ un peu rude, tout de même. Mais comme je lui obéis, cette fois, et que j’esquisse un pas vers ma monture, ma mère m’enlace brusquement et pose ses lèvres sur mon front.
« Va donc, petite frondeuse, murmure-t-elle. Va, et continue à faire ma fierté. »
Voilà. C’est comme ça que j’ai dû quitter ma mère, mon peuple et mon territoire. Je chevauche maintenant, à cru sur le dos de mon cheval, vers les terres du sud. Vers Troie.
Elle ouvre la porte de la maison commune. Un rayon de soleil rasant pénètre à l’intérieur ; Apollon commence tout juste à déployer l’éclat de sa gloire sur la lagune embrumée. Bientôt, il percera de ses feux cette nappe cotonneuse et réveillera la vie de ce coin de Mer Noire qui est le nôtre. Mais je ne le verrai pas. Je serai loin déjà.
Je me tourne vers ma mère qui se tient droite sur le seuil de la maison. Elle est petite, mais tout en muscles longs et frémissants — une vraie Amazone, quoiqu’elle ne soit pas née parmi les antianeirai. Moi, si. Elle m’a donné naissance il y a treize ans et quelques lunes de cela, ici même. De quel géniteur, je n’en sais rien. Peu importe à quel mâle appartiennent les semences, par ici.
Dans l’ombre de la maison, je devine les corps de mes tantes, de mes sœurs, des anciennes qui s’étirent. J’aurais pu vieillir ici si j’avais eu meilleur caractère. Si j’avais été plus docile, si j’avais obéi à la loi. Comme c’est étrange ! On me punit d’avoir été rebelle, moi, une Amazone. Je ne le regrette pas. Tant pis pour elles ! Je vais juste pleurer de ne plus voir Nikolís.
« Tu trouveras un toit et une protection à Troie. Présente-toi à Périphétès et dis-lui d’où tu viens. Il aura à cœur de veiller sur toi, je le sais.
— Je n’ai pas besoin qu’on veille sur moi », maugrée-je.
Et, par défi, je fais appel à mon cosmos. Mon cosmos tout neuf, peut-être encore immature, comme aiment à le dire les anciennes, mais déjà plein de vigueur. J’ai bien hérité de ma mère. Celle-ci cependant me rabroue en étouffant ma flamme dans l’ombre flamboyante de la sienne.
« Tu n’es pas prête, ma fille, réplique-t-elle. Mais les Troyens t’enseigneront. »
Elle a un geste vers Kalmia, ma jument, qui m’attend dans le marais. Elle va à sa guise en m’attendant, elle broute des lianes de houblon qui s’enroulent autour des chênes des marais. Je baisse la tête ; c’est un départ un peu rude, tout de même. Mais comme je lui obéis, cette fois, et que j’esquisse un pas vers ma monture, ma mère m’enlace brusquement et pose ses lèvres sur mon front.
« Va donc, petite frondeuse, murmure-t-elle. Va, et continue à faire ma fierté. »
Voilà. C’est comme ça que j’ai dû quitter ma mère, mon peuple et mon territoire. Je chevauche maintenant, à cru sur le dos de mon cheval, vers les terres du sud. Vers Troie.